Le Bal des Quat’ Z’Arts, qui a lieu de façon (presque) générale au mois de juin chaque année, demande une préparation minutieuse avec de nombreuses réunions au cours desquelles il est procédé, par un Comité d’organisation (on parle de « Comité Actif ») et par des Délégués d’ateliers, à des votes et à des prises de décisions déterminants pour le déroulement du futur Bal.
En marge du Comité d’organisation il existe un Comité d’Honneur constitué d’anciens Comitards. Ce dernier a pour fonction de prodiguer ses conseils pour la bonne marche du Bal et le maintien de la tradition et a pour fonction également d’assurer la garde et le placement du fonds de réserve constitué d’un possible excédent réalisé à chaque exercice et réservé pour parer à toute éventualité de dépenses imprévues reconnues nécessaires par le Comité.
Ces réunions, qui ont lieu très souvent dans le sous-sol ou dans la salle d’un Café, du côté de Saint-Germain, de Saint-Michel ou de Montparnasse(1), s’étalent pratiquement sur toute l’année scolaire de novembre à juin [en 1936, on dénombre 17 réunions organisées par le Comité Actif dont 12 réunions avec la présence des Délégués d’atelier convoqués spécialement]-[en 1937, on dénombre 21 réunions organisées par le Comité Actif dont 13 réunions avec la présence des Délégués d’atelier convoqués spécialement].
Dans un premier temps, il s’agit de désigner le Comité qui aura donc le redoutable honneur et privilège de conduire les destinées du Bal. Cette désignation a lieu au mois de novembre selon les modalités suivantes : Après avoir fait un bilan moral et financier du Bal, le Comité et les Délégués organisateurs du Bal précédent élisent les membres du nouveau Comité au nombre de quatorze – sept architectes, trois peintres, deux sculpteurs, ou un sculpteur et un graveur, un docteur en médecine (chirurgien ancien Interne des hôpitaux de Paris) et un conseiller juridique (avocat à la Cour d’appel de Paris). Concernant les candidats architectes, peintres sculpteurs et graveurs, ceux-ci doivent obligatoirement avoir été déjà Délégué d’ateliers ou membre d’un précédent Comité ou encore ancien Prix de Costume au Bal.
Dans un second temps, lors de la même réunion, le Comité Actif nomme lui-même son propre bureau (6 personnes) constitué notamment par un Président, un vice-Président, un Trésorier et un Secrétaire.
Concernant la désignation des Délégués d’ateliers, celle-ci est faite par choix par le Massier de l’atelier lui-même.
Le Délégué représente ainsi son atelier pendant tout le processus de préparation du Bal, le jour du Bal puis pour l’élection du nouveau Comité l’année suivante.
Il prend connaissance des statuts du Bal et de ses aspects financiers notamment pour ce qui concerne les cotisations à régler pour la participation de son atelier au Bal.
Une fois les Délégués d’atelier désignés, la première tâche du Comité consiste à lancer le Concours Sujet en invitant les élèves et les ateliers à proposer un thème pour le futur Bal.
Sur le choix d’un thème unique : [Extrait de la revue Eros, magazine littéraire et artistique illustré, numéro spécial « Le Bal des Quat’Z’Arts » de 1931 par André WARNOD (voir glossaire)] : « L’idée grandissait de donner une unité à chaque Bal, de faire chaque année la reconstitution Quat’Z’Arts d’une époque. Le premier essai tenté dans le sens de l’unité fut le Bal de 1900, intitulé Bal antique, où toute l’Histoire Ancienne était admise ».
Le choix du sujet du Bal se fait donc en réunion en début d’année par vote des Délégués d’atelier, chacun d’eux représentant 2 voix, et par vote également des membres du Comité actif, chacun d’eux représentant 1 voix.
Un mois environ après la réunion portant sur le choix du sujet du Bal, une nouvelle réunion a lieu cette fois pour le choix des cartes d’entrée femme et homme. Des affiches et des papillons sont distribués auparavant dans les ateliers présentant le règlement du concours de cartes.
Lors de la réunion pour le choix des cartes, les maquettes des cartes sont présentées au jugement du Comité actif et des Délégués d’atelier sachant, qu’au préalable, le Comité d’Honneur procède de lui-même à l’élimination des maquettes qu’il juge ne pas être dans l’esprit du Bal.
Il s’agit dès alors au Comité de faire la propagande du Bal dans tous les ateliers afin de motiver les uns et les autres pour que le plus grand nombre y participe ce qui est primordial pour la gestion financière du Bal dont dépend en partie son succès, les cartes étant vendues aux élèves dans ce dessein.
Cette propagande passe tout d’abord par la diffusion auprès des Délégués des ateliers d’affiches « laïus » présentant le thème du Bal. Ces affiches avaient très souvent des traits humoristiques avec calembours et jeux de mots à la pelle.
[Extrait de la séance du Comité du 6 mai 1936 rédigée par son Secrétaire, Georges PELLISSIER(5).] : « … Puis on passe à l’affiche laïus. Les copains se crèvent le ciboulot pour trouver des astuces mythologiques marrantes [Nota : le thème du Bal est « l’Olympe »]. Pour l’affiche que nous a faite avec beaucoup d’esprit MULPHIN(6), les idées ne jaillissent pas. LARCHER(7) paye à boire et aussitôt après la première tournée les esprits et les langues se délient tant et si bien que mettant bout à bout les morceaux on finit par trouver quelque chose d’assez marrant ».
De la même façon des affiches « Tubard », suggérant les déguisements par rapport au thème retenu, et également des papillons sont distribués aux Délégués des ateliers afin de créer l’ambiance.
Enfin, la Grande Masse, « Association des Élèves et des Anciens Élèves de l’École Nationale et Supérieure des Beaux-Arts », ouvre les pages de son bulletin au Comité d’organisation du Bal des Quat’ Z’Arts dans lequel ce dernier publie un grand laïus traditionnel au sujet du Bal.
Concernant la Grande Masse, il est important de rappeler ici, que si celle-ci relaie avec enthousiasme dans son bulletin tout ce qui a attrait au Bal, il demeure qu’elle n’est nullement impliquée dans son organisation.
Raymond MÜLLER(9), Grand Massier fondateur, donne une explication claire sur ce point lors de la tenue de l’Assemblée Générale de la Grande Masse du 22 mars 1926 : « … Je m’empresse, avant d’aller plus loin, et pour devancer quelques objections qu’on pourrait faire, de vous redire les raisons de l’attitude de la Grande Masse en ce qui concerne les manifestations quelconques de réjouissance, bal des 4’ Z’’Arts, Rougevin(10), balades, etc.
La « Grande Masse » doit rester en dehors de ces manifestations. N’y voyez point surtout une attitude de gros bourgeois parvenu ne voulant plus se commettre avec ses bons copains d’origine, et encore moins l’ostracisme de vieux pompiers à l’égard d’une jeunesse joyeuse et téméraire : foin de ces pensées. « La Grande Masse » sourit et est fière de tout ce qui fait notre fond d’amitié : la franche et rude gaîté de l’École.
Mais….il y a un Mais et le voici :
« La Grande Masse » se doit et ne doit, et ceci pour ne point faillir à son rôle, qu’à l’étude des questions de l’École. Nous avons trop à faire, les questions qui exigent notre attention sont trop nombreuses pour que nous distrayons une seule minute de notre temps au bénéfice de questions secondaires ».
Précisons que Raymond MÜLLER fût, quelques années avant, co-Président du Bal des Quat’Z’Arts en 1922.
En connaisseur averti concernant le Bal des Quat’ Z’Arts, Raymond MÜLLER savait également pertinemment que les débordements commis à l’occasion du Bal, principalement sur l’espace public, ne devaient pas être de la responsabilité de la Grande Masse mais rester à celle du Comité du Bal.
Il est à noter cependant qu’à partir de l’édition 1927, la Balade du Rougevin, dont il est fait mention plus haut, sera organisée par La Grande Masse des Beaux-Arts avec Paul ARZENS(11), comme Président du Comité et qu’il y aura, là aussi, certaines années des débordements que la Grande Masse aura ces fois ci à assumer.
Le thème fixé, le Comité décide de la date du Bal qui est déterminée en fonction du calendrier pédagogique de l’École mais également aussi en fonction de la date du Bal de l’École, appelé Gala de la Grande Masse(12), cela pour faire en sorte que les dates des deux bals soient les plus éloignées possibles…ce qui ne fut pas toujours le cas.
La date du Bal décidée en réunion par le Comité, il faut se mettre aussitôt en quête d’une salle, sachant que tant que celle-ci n’est pas réservée, aucune démarche pratique ne peut être entreprise ; cela concerne primordialement l’impression des cartons d’entrée et celle des affiches.
La recherche de la salle est une tâche du ressort du Président et du Vice-Président du Comité d’organisation mais aussi de celui que l’on dénomme au sein du Comité « le Chef de loge ».
Personnage primordial, il aura à s’occuper de l’organisation d’ensemble de la salle et également de s’occuper tout particulièrement de la loge du Comité dont il aura la responsabilité quant à l’exécution et à la décoration.
La salle louée, le Chef de loge en fait un relevé précis puis en dessine les plans afin de mettre au point le projet de disposition de l’ensemble des différentes loges mais aussi des dépendances. Chaque atelier dispose ainsi d’un emplacement où il construira sa loge. Les loges, qui sont situées en périphérie dans la salle de bal, sont, pendant le déroulement de celui-ci, le lieu de rassemblement de chaque atelier ; on y dépose les victuailles, on y boit, on y mange, on s’y repose.
Si, comme nous l’avons évoqué précédemment, le Bal est financé en grande partie par les élèves des différents ateliers avec l’achat des cartes d’entrée, celui-ci est également financé par des dons faits, soit par des Anciens, soit par des institutions diverses.
A ce titre, le Président et le Vice-Président se chargent de ce que l’on dénomme le « tapage » qui consiste à démarcher par courriers les personnes concernées.
En contrepartie des dons reçus, des cartes d’invités, appelées cartes « Michet » ou « Miché » sont distribuées à qui de droit. Le nom « Michet » s’apparente à une personne ne faisant pas partie de l’École des Beaux-Arts.
Parallèlement, chaque membre du Comités a droit à deux cartes « Michet » dont la vente sert également au financement du Bal.
Enfin, des cartes « Michet » sont remises à chaque atelier avec la liberté de les vendre au prix le plus fort à « qui on veut ». Le nombre distribué de cartes « Michet » est fonction du nombre de cartes achetées par les élèves d’un même atelier. Le Comité donne ainsi une carte « Michet » pour quinze cartes d’entrée homme.
La vente par les ateliers des cartes « Michet » qui leur sont distribuées sert à financer la fabrication, entre autres, des décors de leur loge et des chars de défilé dans le Bal.
Au sein du Comité on rencontre ceux que l’on appelle les « ravitailleurs ». Ceux-ci sont chargés de récolter auprès de divers fournisseurs des produits alimentaires et des boissons afin de nourrir et d’abreuver les participants aux Bal et d’approvisionner la loge du Comité.
Impossible de résister à vous reproduire ici l’histoire racontée par Gérald GARAND(14) ravitailleur avec Claude BRANDON(15) pour le Bal de 1952 :
« Le Bal de 1952, c’est là où j’étais ravitailleur avec BRANDON,… le p’tit BRANDON. Il avait acheté un vrai mouton, c’con là ! Il habitait une chambre de bonne dans le 15ème. Il faisait brouter son mouton sur les pelouses dans les jardins publics avec le gardien qui était gêné, mais il était en règle, il le tenait en laisse son mouton ! Il montait au 7ème étage chez lui tous les jours avec son mouton et à la fin il a pris un Arabe pour tuer le mouton. A Wagram (salle où se déroulait le Bal), il y avait ainsi un grand méchoui et une grande table avait été dressée pour le repas ».
Concernant la musique à l’intérieur du Bal, celle-ci est jouée par un orchestre professionnel engagé pour l’évènement et contacté par le Président du Comité bien avant le Bal.
Un mois environ avant la tenue du Bal, il est procédé à la fabrication de plaquettes pour le Comité et pour les Délégués d’Ateliers. Il s’agit de plaques de bronze portées en collier par chacun de ces intéressés permettant ainsi de les distinguer parmi tous les participants du Bal. Ces plaquettes, choisies également après concours, sont tirées en quatorze exemplaires pour le Comité et en environ vingt à vingt-cinq d’exemplaires pour les Délégués.
Dans le même temps, un concours d’affiche pour le Bal est lancé. L’affiche est dessinée sur calque en noir et blanc puis tirée sur papier, éventuellement en plusieurs couleurs (jaune, rouge, bleue, verte, arc en ciel).
Avant le Bal, le Président du Comité se charge des relations avec la police et surtout d’obtenir l’autorisation de la Préfecture pour le trajet des ateliers pour la montée jusqu’à la salle du Bal puis, après le Bal, pour le retour jusqu’à la Cour d’Honneur de l’École des Beaux-Arts. La Préfecture, via l’avis et les recommandations du Directeur Général de la Police Municipale, définie ainsi le parcours que devront effectuer les ateliers à l’aller et au retour.
Au moins une semaine avant le Bal, le Comité attribue par tirage au sort les emplacements des loges pour chacun des ateliers participants et fixe, toujours par tirage au sort, l’heure à laquelle devra arriver chaque atelier au Bal.
[Extrait de la séance du Comité du 26 mai 1936 rédigée par son Secrétaire, Georges PELLISSIER. (5)] :
« La séance est ouverte à 9h45. Beaucoup de bougres pour cette réunion. Enfin les Délégués ont l’air de comprendre où est leur devoir. Seuls les Ateliers RECOURA et EXPERT ne sont pas représentés.
On vend les affiches propagande et tubards si bien que l’Atelier LALOUX en retard qui en veut une flopée n’en a pas assez. Bravo pour son Délégué HERVOUET. Toujours beaucoup d’ambiance, les bougres gueulent de plus en plus fort. On distribue les loges aux Ateliers, puis on tire au sort les heures d’entrée au Bal :
21H30 – LALOUX / 21H40 – BIGOT / 22H00 – EXPERT / 22H10 – DEFRASSE / 22H20 – LECONTE / 22H30 – TOURNON / 22H40 – GODEFROY / 22H50 – RECOURA / 23H00 – Peintres / 23H20 – DEBAT / 23H30 – HÉRAUD / 23H40 – PATOUILLARD / 23H50 – GROMORT ».
Dernière ligne droite avant le Bal avec la fabrication des décors qui sont réalisés dans les ateliers puis ensuite avec le montage des loges dans la salle même du Bal.
La salle est mise à disposition, soit la veille au soir, soit le matin du Bal, pour être rendue au loueur le lendemain midi.
Ainsi, tôt le matin, jour du Bal, le Comité est à pied d’œuvre ; les Délégués de chaque atelier investissent la salle pour construire et décorer leur loge avec, notamment, les éléments déjà préfabriqués en atelier.
Un état des lieux de la salle est fait par le Comité avec chaque Délégué en ce qui concerne la travée de la salle formant la loge.
Dans la salle proprement dite, on trouve la loge du Comité, l’estrade de l’Orchestre faisant face et les loges réservées aux ateliers et, tous ces éléments étant disposés autour d’un espace central laissé libre où se tiendront les danseurs et où auront lieu les défilés des ateliers.
Chaque loge comprend un rez-de-chaussée réservé au bar, tenu traditionnellement par un Gardien de l’École, et un étage auquel on accède par une échelle. C’est sur cette plate-forme que l’Atelier donnera le spectacle de sa présentation pour certains concours.
Traditionnellement la société « Les Charpentiers de Paris » fournis le matériel et la main-d’œuvre pour construire la loge du Comité et l’estrade de l’Orchestre.
Dans les dépendances diverses on trouve près de la salle du Bal une salle de repos, « le local à paille » endroit où seront étendus pendant le Bal les soulards fatigués, l’infirmerie tenue par le Docteur du Comité et le vestiaire près de l’entrée. Il est à noter concernant la paille que celle-ci n’est disposée dans le local qu’après le passage, qui a lieu dans l’après-midi, de la commission de sécurité de la Préfecture.
Tout doit être terminé à 20H30 au plus tard, heure à laquelle les Gardes Noirs, qui ont fait leur montée vers le Bal avant tout le monde, procèdent à l’évacuation complète de la salle. Seul le Comité reste en place.
Afin de vous faire apprécier l’atmosphère et l’ambiance de cette phase de préparation des décors et de montage des loges nous vous proposons de lire quelques passages d’articles ci-après.
[Extrait d’un article du bulletin de la Grande Masse de l’École des Beaux-Arts de juillet 1927 rédigé par Raymond MÜLLER. (9)] :
« … mais écoutez toutefois, amis lecteurs, comment l’Atelier EXPERT s’y prit pour obtenir le 1er prix (il s’agit du 1er prix de Loge) :
Mercredi matin – Voici les nouveaux qui arrivent un à un. Charrette ! Les achats leur sont aussitôt distribués et bientôt la charpente, la toile, les couleurs, s’accumulent dans l’Atelier, durant que l’on enlève planches et tréteaux. On commencera ce soir.
Dans l’après-midi, sur l’aire dégagée, les toiles de fond se déroulent, se cousent et se couvrent de peinture. Sur le palier, une carcasse de bois se garnit d’un mystérieux grillage.
Jeudi – Dans un fracas de chantier, la charpente s’assemble. De longs chevrons s’allongent sur le sol, entretoisés et garnis de grillage. Le patron, enjambant bassines et décors, vient voir le travail. Puis ; un incessant va-et-vient de colle de papier, s’établit jusqu’au palier où s’ébauche une tête d’éléphant. Pourra-t-elle sortir ?
De chaque coin de l’Atelier, surgit un élément nouveau :
Ici, se travaillent des défenses et de gigantesques pavillons d’oreilles, modelés dans le grillage.
Là, se terminent les toiles d’un palanquin.
Plus loin encore, dans la colle et la couleur, on achève un harnachement géant. Les toiles prêtes sont roulées. L’épiderme humide de la bête séchera durant la nuit. Dans la cour, deux travailleurs s’attardent encore, pinceaux en main.
Tout est prêt.
Vendredi – Salle Wagram, midi et demi.
Exécutée et montée en vingt heures par les seuls élèves de l’Atelier, la loge terminée dresse sa solide mais légère plate-forme dans l’atmosphère poussiéreuse et assourdissante du vaste chantier ».
[Extrait d’un article de Jean DE L’ETOILE paru dans le journal « Le Courrier Français » du 26/04/1903] :
« Branle-bas cette semaine à l’École des Beaux-Arts !
On prépare, on a préparé les décors pour le bal annuel des Quat ‘ Z’Arts qui a eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi.
Le Moulin-Rouge s’étant transformé en brillant music-hall, les jeunes rapins de la rue Bonaparte avaient transporté leurs chahuteurs pénates à l’Elysée-Montmartre, rue de Steinkerque.
Donc on a scié, cloué, encollé, chaque atelier rivalisant d’originalité artistique dans la construction et la décoration de ses chars et décors.
Quiconque aurait cette semaine visité l’École se serait cru chez un grand décorateur parisien, tant on s’attaquait à de grandes choses, tant on travaillait avec ardeur. Ah ! ce furent des rude journées pour les nouveaux. Combien, au galop, ayant encore dans les oreilles l’ordre furibond des anciens, ont traversé maintes fois le pont des Art, ou remonté la rue de Sèvres pour aller dans les grands magasins se munir d’étoffes ou autres accessoires de ce genre indispensables aux décorateurs improvisés ! ».
[Extrait du livre (pages 202 et 203) de Georges NORMANDY(19) intitulé « Articles de Paris, horizons de province » (1907 – 1908), CASTEIN-SERGE Éditeur] :
« … Il est un spectacle moins vanté, plus difficilement visible pour le profane et qui mérite une heure d’observation : celui de l’installation des loges. A six heures du matin, les architectes, les peintres, les sculpteurs ont pris possession de la Salle Wagram absolument vide. Les déesses en « pâtisserie » et la décoration vaguement moderne du lieu disparaissent en un clin d’œil sous des toiles pudiques qui se couvriront, dans la journée, de cartonnages de l’époque phénicienne. Car c’est Carthage, cette année (1907), qu’on ressuscite. Une activité prodigieuse règne de toutes parts. On cloue, on peint, on chante, on fume, on sculpte, on scelle, on court, on grimpe, on oublie de déjeuner, on s’interpelle : on travaille !… Une frénésie incomparable anime un peuple d’ouvriers et d’artistes. Et ce soir les remparts de Kart-Hadatsch verront saigner sur leurs pierres des têtes de vaincus et des cadavres de suppliciés. Ils seront à peine surpris, aussi, ces remparts, d’être ornés de légendes peu prévues au temps des guerres puniques et vouant à la gloire et aux gémonies – déjà ! – les noms des triomphateurs de l’année, lauréats du « Chenavard », etc… Sur la loge des ateliers Coutan et Injalbert (ateliers de sculpture), je lis par exemple : « Pouquet est un … et M… Zut pour Févola ! » Massiers et sous-massiers promènent à travers ces chansons, ces appels et cette poussière, leurs pipes très respéctées. L’or commence à se plaquer sur des Astartés gigantesque, mais joviales… Finira-t-on ?… Parbleu !.. »
[Extrait d’un article signé Mil Cissan paru dans la revue « Comœdia Illustré » du 15/07/1912] :
« … Et j’ajouterai que voyant, la veille (du Bal), le travail d’édification des loges, j’ai pu constater qu’ils acquièrent par là un entraînement sans pareil pour le métier de décorateur de théâtre que certains d’entre eux pourront être appelés à pratiquer. Peintres, chefs de scène, machinistes, électriciens à la fois, ils construisent les châssis et praticables, tendent les toiles, les retouchent, les éclairant avec un zèle admirable et un succès plus admirable encore lorsqu’on pense au peu de temps, au peu de moyen dont ils disposent ».
Mise à jour de l’article
27/09/2020 : Mention de l’article du quotidien « Comoedia » du 2 juin1911.
Notes de bas de page
- Parmi les Cafés et les salles dans lesquelles ont eu lieu des réunions du Comité du Bal des Quat’Z’Arts, nous avons recensés :
- Le Caveau du Rocher au 128 boulevard Saint-Germain.
- Le Café « La petite source » au 130 boulevard Saint-Germain.
- « L’Alligator » (adresse non retrouvée).
- Le Café « Jarasse » au 7 quai Malaquais (Café des Beaux-Arts aujourd’hui).
- Le Café « Malafosse » au 7 quai Malaquais (Café des Beaux-Arts aujourd’hui).
- Le Café de la Gare au 1 place Saint-Michel (Café « Le départ » aujourd’hui).
- Le Café « Fesq » au 5 rue de la Huchette (Caveau de la Huchette aujourd’hui).
- Le Café Voltaire au 1 place de l’Odéon.
- Le Café tabac « Soyault » à l’angle de la rue Bonaparte et de la rue du Vieux Colombier.
- Le Café Napoli boulevard de Montparnasse en face de « La Coupole ».
- Le Caveau du Turquéti (adresse non retrouvée).
- Le Café « Méphisto » à l’angle de la rue de Seine et du boulevard Saint-Germain.
- La Salle des Sociétés Savantes au 8 rue Danton.
- La Maison des Beaux-Arts au 11 rue des Beaux-Arts.
- Le Café tabac « Le Réinitas » au 169 boulevard Saint-Germain.
- Le Café tabac « Le Balto » au 15 rue Mazarine.
- Le Café « La Palette » à l’angle de la rue de Seine et de la rue Jacques Callot.
- Jean KOCH, élève Architecte en 1937 à l’atelier de PATOUILLARD-DEMORIANE puis d’EXPERT (lien vers biographie).
- Jean-Michel MARIAGE, élève Architecte en 1948 à l’atelier de PERRET (lien vers biographie).
- Serge MÉNIL, élève Architecte en 1950 à l’atelier de Charles LEMARESQUIER (lien vers biographie).
- Georges PELLISSIER, élève Architecte en 1936 à l’atelier GROMORT (lien vers biographie).
- Albert MULPHIN, élève Peintre en 1936 à l’atelier Lucien SIMON (lien vers biographie).
- André LARCHER, élève Architecte en 1936 à l’atelier BIGOT (lien vers biographie).
- André AUBERT, élève Architecte en 1924 à l’atelier TOURNAIRE (lien vers biographie).
- Raymond MÜLLER, Architecte D.P.L.G. (lien vers biographie).
- Balade ou monôme du Rougevin : il s’agit d’une fête traditionnelle des élèves de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts instituée en 1891 par les élèves de l’atelier libre d’Architecture LALOUX et dont la dernière édition aura lieu en 1967. Cette fête intervient à l’issue d’un concours d’Architecture fondé en 1856 appelé « Concours Rougevin », du nom de son fondateur Auguste ROUGEVIN. Elle est l’occasion d’un défilé de chars, construits par les élèves, depuis la Cour Bonaparte jusqu’à la place du Panthéon où leurs armatures légères en bois avec décors sont renversées sur le sol puis brûlées pendant que les élèves achèvent de fêter cette tradition en farandolant autour du feu de joie.
- Paul ARZENS, élève Peintre en 1927 à l’atelier Lucien SIMON (lien vers biographie).
- Concernant le Gala de la Grande Masse des Beaux-Arts.
- Jean MILON, élève Architecte en 1952 à l’atelier EXPERT et DENGLER (lien vers biographie).
- Extrait d’un entretien avec Gérald GARAND le 09/05/2009. Gérald GARAND, est élève Peintre en 1952 à l’atelier DUPAS (lien vers biographie).
- Claude BRANDON, élève Architecte en 1952 à l’atelier ARRETCHE (lien vers biographie).
- Robert ABBADIE, Chef d’Orchestre du Bal des Quat’ Z’Arts (lien vers biographie).
- Georges ARNULF, élève en 1949 dans l’atelier de Gravure en taille-douce de CAMI et dans l’atelier de Gravure à l’eau forte de GOERG (lien vers biographie).
- Raymond CHINI, élève Architecte en 1937 à l’atelier BIGOT (lien vers biographie).
- Georges NORMANDY (1882 – 1946). Pseudonyme de Georges SÉGAUT, ingénieur, écrivain, critique littéraire.