Origine du Bal


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Henri Guillaume dit Dodor

« Il y a à l’École des Beaux-Arts un cours dit des « 3 Arts » suivi par les Peintres, les Sculpteurs, les Architectes et les Graveurs. Me trouvant en 1892 être Massier de 1ère classe des élèves Architectes, je proposais à nos camarades des ateliers de peinture et de sculpture de faire avec les architectes un bal costumé comprenant une salle décorée et cortèges.
L’École des Beaux-Arts aurait ainsi son bal annuel comme l’École Nationale, Saint Cyr et Polytechnique mais avec la fantaisie que peuvent y mettre les artistes. Nous avions choisi le nom de Bal des Quat’Z’Arts pour éviter tout côté officiel.
Le 1er bal eut donc lieu le 23 avril 1892 à l’ancien Élysée Montmartre qui existait encore. L’invitation était sur papier à chandelle (1) avec un cache sur l’emplacement du dessin supprimé par la censure.
Le succès ayant été très grand et voulant faire mieux, nous obtînmes l’année suivante, grâce à l’intervention de M. ROQUES, Directeur du Courrier Français, la salle du Moulin-Rouge… »

Extrait d’un courrier adressé par Henri GUILLAUME à Henri BOUTET (1851 – 1919), Peintre Lithographe

Le Bal des Quat’Z’Arts naît donc en 1892 à PARIS sous la IIIème République secouée alors par les attentats anarchistes.

L’idée d’organiser un bal fût émise par Charles CRAVIO (1863 – ?) dit Gargouillot lors d’un déjeuner réunissant des élèves Architectes de l’atelier LALOUX dans un restaurant de la rue du Cherche-Midi à PARIS. Henri GUILLAUME, élève à l’atelier LALOUX à l’École des Beaux-Arts de PARIS, fût le principal organisateur de ce bal costumé, dont l’entrée était sur invitation, et qui s’inspirait dans son esprit de bals déjà existants à cette époque comme celui du Bal Blanc et celui de la Fête Païenne (organisés par l’hebdomadaire Le Courrier Français), celui du Bal des Incohérents ou encore celui du Bal Rodolphe (2).

Le bal était alors organisé par un Comité constitué d’élèves de l’École des Beaux-Arts (3) mais aussi d’Écrivains et d’Artistes de Montmartre et de Montparnasse.

Le cours des « 3 Arts », dont fait mention Henri GUILLAUME dans son courrier, fait référence au seul cours commun ouvert aux trois sections de l’École des Beaux-Arts (4) permettant par l’association d’un élève de chacune des sections d’étudier les éléments de la composition décorative.

Il fût adjoint aux premiers bals la Littérature qui ne tardera pas très vite à disparaître pour laisser la place à la Gravure ; En effet, le succès immédiat du bal fît que, pour éviter toute dérive mercantile, les élèves de l’École décidèrent que celui-ci deviendrait le bal des élèves et des anciens élèves des Beaux-Arts et des « personnalités artistiques qui ont contribué dès l’origine à en préparer les destinés ».

Si pour les premiers bals, qui avaient lieu en début d’année civile, aucun thème particulier ne définissait d’époque pour les costumes, à partir du début du XXème siècle les bals se déroulèrent en juin ou juillet et il revint au Comité et aux Délégués des Ateliers chargés de l’organisation du bal de fixer le thème.

A partir de ce moment-là, la « formule » du Bal des Quat’Z’Arts devient définitivement la suivante :

« Le Bal des 4’Z’Arts a pour but la reconstitution par l’ensemble des élèves des ateliers de l’Ecole des Beaux-Arts, d’une époque de l’histoire par la décoration de la salle où a lieu le bal et par des costumes et défilés.
Les ateliers, isolément ou groupés, doivent participer à la construction d’une loge de pourtour dans les limites fixés par le Comité, de façon à laisser le milieu de la salle libre pour les défilés, les concours et les danses.
Ils sont tenus de reconstituer l’époque choisie :
1. Par la construction de loge.
2. Par la composition de chars pour le défilé.
3. Par la reconstitution des scènes de l’époque au moment du passage du Comité pour le concours de loge ».

Extrait des statuts du Bal des Quat’Z’Arts

Le jour du bal, les différentes séquences qui rythment celui-ci et que l’on retrouve invariablement chaque année sont :

  • La montée dans Paris des ateliers vers la salle où se tient le bal.
  • La rentrée des ateliers, dans un ordre défini, dans la salle.
  • Le déroulement du bal en lui-même avec ses différents concours, le souper, la danse.
  • Le retour du bal en groupe au petit matin jusqu’à l’École des Beaux-Arts où a lieu la dislocation.

Parmi les salles et les lieux parisiens qui furent le théâtre du Bal des Quat’ Z’Arts, on peut citer la salle Wagram (21 bals), le Moulin Rouge (10 bals), le Parc des Expositions de la Porte de Versailles (7 bals), la salle de l’Élysée Montmartre (3 bals).

De 1892 à 1966, il y eut au total 63 éditions du bal.

Du fait des deux guerres mondiales, le bal fut interrompu de 1915 à 1919 inclus et de 1940 à 1945 inclus. Pas de bal non plus en 1964, mais cette fois, pour des problèmes d’organisation. A noter que le thème prévu pour le bal 1964 « Bacchanales à Sparte » fut repris pour le bal de 1965.

En 1967 le bal, dont le sujet retenu était « La tour de Nesle »,  n’eut pas lieu également, faute pour le comité d’organisation d’avoir pu trouver une salle. Les évènements de 1968, qui entraînèrent l’éclatement de l’École des Beaux-Arts et le démantèlement de la section d’Architecture, scelleront le sort d’une tradition vieille de soixante-quatorze ans.

De 2012 à 2015 , Nicolas BOURRIAUD ,alors Directeur de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts , afin de redonner éclat et rayonnement à l’École et attirer le regard du public et des médias, eut l’idée maligne et habile d’emprunter le nom emblématique du « Bal des Quat’ Z’Arts » pour organiser, dans l’École elle-même, un évènement festif présentant une séquence avec défilé de costumes par quelques étudiants de l’École. Nul ne va s’en dire que cet évènement reste très éloigné, sur bien des aspects, de ce qu’est réellement le Bal des Quat’Z’Arts.

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Notes de bas de page

(1) Papier gris de qualité médiocre destiné à l’origine à l’emballage des chandelles pour le transport
(2) Le Bal Rodolphe est le bal organisé par les élèves de l’Académie privé de peinture JULIAN, dont le fondateur fût Rodolphe JULIAN.
(3) Il s’agit, outre Henri GUILLAUME et Charles CRAVIO, de Guillaume TRONCHET (1867-1959), de Laurent FORTIER (1867-?), de Paul LAJOIE (1866-?) et de Joseph REY (1865-?), tous élèves de l’atelier Jules ANDRÉ puis LALOUX .
(4) L’École des Beaux-Arts est divisée en trois sections, à savoir : Peinture, Sculpture et Architecture. A la section de Peinture se rattachent la Gravure en taille douce, la Gravure à l’eau-forte, la Gravure sur bois et la Lithographie. A la section de Sculpture se rattache la Gravure en médailles et en pierres fines.